Alerte sur les perfluorés !

On les appelle composés perfluorés, composés fluoroalkyliques, alkyls perfluorés ou plus brièvement PFAs, soit des dénominations qui ne vous disent probablement rien. Pourtant, ces composés issus d’une famille chimique complexe (elle regroupe environ 4700 molécules) sont retrouvés dans de nombreux objets du quotidien (vêtements, tapis, ustensiles de cuisine, emballages alimentaires, produits électroniques, produits cosmétiques, etc). Utilisée pour leurs propriétés surfactantes, ces substances présentent des risques sanitaires certains.

Dans ce sens, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a procédé à une expertise, rendue publique le 18 septembre 2020. Dans celle-ci, elle réévalue le seuil d’exposition acceptable aux quatre PFAS les plus courants (PFOA, PFOS, PFNA et PFHxS). La nouvelle valeur de référence est fixée à 0,63 nanogramme par kilo de poids corporel et par jour (ng/kg/j).

Tel quel, ce taux n’est clairement pas parlant. En réalité, un nanogramme correspond à un milliardième de gramme. La valeur fixée par l’EFSA est de fait extrêmement basse (2500 fois plus petite que le seuil d’exposition tolérable fixé auparavant). Cela est révélateur d’effets délétères à des concentrations très faibles, notamment via des mécanismes de perturbations du système endocrinien. Parmi les effets recensés par les études épidémiologiques, figurent : l’élévation du taux de cholestérol, le diabète, l’obésité, le trouble hépatique, le faible poids à la naissance, la réduction des hormones thyroïdienne, …

Or, la même agence estime parallèlement qu’une large part de la population européenne est exposée à des concentrations de PFAs bien supérieures à ce nouveau taux de référence. Rien d’étonnant au fait que l’EFSA juge donc la situation comme « inquiétante ». Cette exposition passe essentiellement par l’alimentation et l’eau de boisson, car les PFAs sont présents de manière ubiquitaire dans l’environnement.

Comme très souvent, « les enfants sont le groupe de population le plus exposé, et l’exposition pendant la grossesse et l’allaitement est le principal contributeur à l’apport en PFAS chez les nourrissons ». Les experts estiment que l’exposition des enfants et nourrissons serait comprise entre 0,85 et 6,5 ng/kg/j pour la fourchette basse et entre 38,6 et 112,1 ng/kg/j pour la fourchette haute. En clair, ces valeurs sont 10 à 180 fois supérieures au seuil tolérable d’exposition si l’on considère les maximums de chaque fourchette.

Pour les autres tranches d’âge, les estimations sont environ deux fois inférieures, ce qui ne supprime en rien « l’inquiétude sanitaire » relevé par l’EFSA, alors même que cette évaluation ne prend pas en compte les facteurs autres que les aliments bruts. Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), déclare d’ailleurs : « Les niveaux d’exposition tolérable établis par l’EFSA, très bas, doivent nous conduire à trouver les moyens de limiter les expositions, en particulier chez les enfants. »

Et la règlementation dans tout ça ?

Elle peine à couvrir l’ensemble de la famille des PFAs du fait de leur très grand nombre : « Plusieurs agences sanitaires européennes travaillent à trouver un cadre réglementaire susceptible d’encadrer ces produits en procédant par groupe de substances en particulier compte tenu de leur persistance dans l’environnement », précise M. Schuler.

Conscient des problématiques sanitaires que posent ces substances, Générations futures travaille actuellement sur une nouvelle campagne portant spécifiquement sur les PFAs.

Quelles alternatives aux PFAs ?

Les PFAS sont principalement utilisés en tant que revêtements permettant la création d’une barrière contre la graisse et l’eau. Il s’agit par exemple d’emballages alimentaires en papier et en carton comme ceux utilisés en restauration rapide. Les alternatives aux composés perfluorés se divise donc en deux catégories : les barrières physiques ou chimiques.

Concernant le premier groupe, c’est le papier en lui même qui sert d’obstacle à la pénétration de liquides. Pour cela, il est possible de produire des papiers présentant des pores très étroits. Cependant, de manière plus courante, il s’agit d’ajouter une couche supplémentaire de plastique ou d’aluminium sur le matériau. L’inconvénient est que le recours à ces matériaux rajoutent des coûts de production et sont généralement difficiles à recycler.

Une barrière chimique est obtenue par l’ajout de produits chimiques à la pâte lors de la production du papier ou par un traitement de surface du papier. Parmi les composés pouvant être utilisés directement lors de la production du papier, on retrouve les anhydrides alkenyles succiniques, les émulsions styrène acrylique, le dimère alkyl cétène et de la colophane. Les agents d’encollage externes ou « de surface » permettent eux une plus grande flexibilité dans la production mais sont dans le même temps susceptibles de se fissurer, particulièrement pour les aliments dont la durée de conservation est longue. Il s’agit majoritairement d’amidons modifiés.

Pour plus d’informations :

A voir : le film Dark Waters réalisé par Todd Haynes, sorti en 2019. Il retrace le combat d’un avocat contre l’entreprise DuPont (fabricant du fameux Téflon), qui a en toute connaissance de cause contaminé l’environnement en masquant les risques sanitaires pendant plusieurs décennies.

Source :

Stéphane Foucart, Les autorités sanitaires européennes donnent l’alerte sur les perfluorés. [en ligne] consulté le 25/09/2020 sur https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/23/les-autorites-sanitaires-europeennes-donnent-l-alerte-sur-les-perfluores_6053285_3244.html

OECD, PFASs and alternatives in food packaging (paper and paperboard): Report on the commercial availability and current uses. Series on Risk Management No. 58, 2020