L’Anses dévoile sa stratégie pour mieux identifier et évaluer les perturbateurs endocriniens

Dans le cadre de la seconde stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 2), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié une liste de substances prioritaires à inscrire dans son programme d’évaluation. Pour celles-ci, l’Agence propose une méthode de classement des perturbateurs endocriniens (PE) similaire aux substances CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques), à savoir trois catégories en fonction du poids de la preuve :

  • PE avéré: les substances pour lesquelles la probabilité qu’elles soient PE est forte (plus de 90%)
  • PE présumé : les substances pour lesquelles on ne peut pas affirmer qu’elles sont un PE mais pour lesquelles la suspicion est forte (probabilité entre 66% et 90%)
  • PE suspecté : les substances pour lesquelles il y a des informations préoccupantes, mais pas assez pour permettre un jugement approfondit (probabilité entre 5% et 66%).

Pour rappel, un PE est une substance capable d’altérer les fonctions du système hormonal et d’induire de ce fait des effets indésirables sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou au niveau de (sous)-populations. A l’heure actuelle, seule la règlementation concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et celle sur les biocides font apparaître clairement la notion de perturbation endocrinienne. Néanmoins, les critères d’identification sont irréalistes et relèvent d’une logique de preuve absolue totalement inappropriée. Il faut non seulement prouver que le pesticide présente un effet indésirable chez un organisme intact ou ses descendants et identifier le mode d’action endocrinien spécifique, mais en outre démontrer la réalité du lien entre ce mode d’action et l’effet indésirable.

 

Sur la base de différentes listes de perturbateurs endocriniens potentiels établies à travers le monde, l’Anses a sélectionné 906 substances à usage multiple (intermédiaire de procédés industriels, produits de consommation courante, produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments, …). Parmi elles, 16 substances ont été jugées prioritaires et seront en conséquence évaluées de manière approfondie sur la base du danger, de l’exposition et des préoccupations sociétales qu’elles représentent. Ces 16 substances sont les suivantes :

  • Ethylbenzène (Produits en plastique, produits de revêtement, carburants, encres et toners, BTP, intermédiaire pour produire du styrène, solvant dans l’industrie des peintures et revêtements)
  • Oxyde de diazote ou Protoxyde d’azote (Matériel optique, explosifs, produits électriques / électroniques, utilisation récréative)
  • 2,2’,2’’-nitrilotriéthanol (Textile, produits en plastique, véhicules, cosmétiques et produits de soins personnels, produits de lavage et de nettoyage, utilisation dans les produits biocides, jouets en métal et bois)
  • Mélamine (Produits de lavage et de nettoyage, peintures au doigt, travaux de construction, véhicules, plastique, textiles)
  • Tétrachloroéthylène (Régulateurs de pH et produits de traitement de l’eau, produits chimiques de laboratoire, recherche et développement scientifiques, nettoyage à sec, nettoyage de surface)
  • Acide salicilique, sel de sodium (Produits en papier et métaux, revêtements et peintures, diluants, produits de traitement de l’eau, produits de soin / spray, biocides, textiles, additif alimentaire)
  • Zinc di(acétate) (produits en caoutchouc et plastique, produits de lavage et de nettoyage, engrais, produits pharmaceutiques et cosmétiques, additif alimentaire)
  • Chlorure de zinc (Textile, papier et produits en papier, produits pharmaceutiques ou vétérinaires, produits de traitement de surface, parfums, additif pour lubrifiants et graisses)
  • Bore (Machines et véhicules, encres et toners, BTP, produits électriques / électroniques)
  • Nitrite de sodium (Produits chimiques, automobiles, fluides et produits antigel, BTP, lubrifiants et graisses, produits électriques / électroniques, additif alimentaire E250)
  • Bromure de sodium (Produits de traitement de l’eau, biocides, agents de neutralisation, produits pharmaceutiques, produits de traitement des textiles et colorants)
  • Fluorure de sodium (Colorants pour textile, cuir ou fourrure, produits cosmétiques et de soins personnels, produits de traitement de surface)
  • Chlorure de manganèse (II) (Produits minéraux tels que le plâtre et le ciment, textiles, cuir ou fourrure, meubles, papier et produits en papier, engrais, produits cosmétiques et de soins personnels, produits électriques / électroniques)
  • Acide dichloroacétique (Régulateurs de pH, produits de traitement de l’eau et produits chimiques de laboratoire, recherche et développement scientifiques)
  • Biphényl-4,4’-diol (Produits en plastique et produits chimiques, polymères et produits chimiques de laboratoire)
  • 2-méthoxy-2-méthylbutane (ter-Amyl methyl ether = TAME) (Produit chimique de laboratoire, utilisation comme solvant de procédé et agent d’extraction)

Par ailleurs, des discussions sont en cours afin de faire apparaitre le critère perturbateur endocrinien dans la règlementation CLP (classification, étiquetage et emballage des substances et mélanges).

Les travaux de l’Anses visent à accélérer l’identification et l’évaluation des PE. La méthodologie proposée par l’Agence et la prise en compte des trois catégories (avérée, présumée, suspectée) permettent une meilleure prise en compte de l’incertitude scientifique et des niveaux de preuve. Cette démarche s’inscrit dans la continuité de celle de l’Europe qui a affirmé sa volonté de faire évoluer différentes réglementations pour mieux prendre en compte les dangers des PE, notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie européenne sur les produits chimiques.