Contamination des rivières anglaises par des antipuces neurotoxiques utilisés pour le traitement des chiens et chats

Une étude publiée au début du mois de novembre 2020 et menée par des chercheurs de l’Université de Sussex, met en lumière la pollution des rivières anglaises par des insecticides hautement toxiques utilisés comme traitement antipuces chez les chiens et les chats. Les scientifiques considèrent cette découverte comme « extrêmement préoccupante » car ils s’attendent à des impacts environnementaux importants chez les insectes aquatiques, les poissons et les oiseaux qui en dépendent.

Le fipronil a été détecté dans 99 % des échantillons et un produit de dégradation hautement toxique appelé sulfone-fipronil a été trouvé dans 97 % des cas. Les concentrations moyennes étaient respectivement 5 et 38 fois supérieures à leurs limites de toxicité chronique. L’imidaclopride a été trouvé dans 66% des échantillons et était au-dessus des limites de toxicité dans 7 des 20 rivières.

Pour rappel, le fipronil et l’imidaclopride sont deux agents neurotoxiques interdits par la règlementation européenne sur les produits phytosanitaires du fait de leur impact environnemental (en attendant de voir en France la toute récente remise en cause de l’interdiction des néonicotinoïdes, famille dont fait partie l’imidaclopride).

Le Royaume-Uni compte environ 10 millions de chiens et 11 millions de chats domestiques, dont 80% environ reçoivent un traitement contre les puces, qu’il soit nécessaire ou non. Leur utilisation est par conséquent très largement généralisée et le fipronil est l’un des produits antipuces les plus répandus. La question de l’impact environnemental se pose donc assez logiquement et ces travaux montrent une pollution chronique des rivières du Royaume-Uni.

Rosemary perkins, qui a dirigé l’étude précise d’ailleurs que « les études récentes ont montré que le fipronil se dégradait en composés plus toxiques que le fipronil lui-même pour la plupart des insectes ». Ces propos sont complétés par ceux de Dave Goulson, également membre de l’équipe de recherche : « Le problème est que ces produits sont des produits chimiques si puissants, que même à des concentrations infimes, nous nous attendons à ce qu’ils aient un impact significatif sur la vie des insectes des rivières. Un traitement contre les puces composé d’imidaclopride pour un chien de taille moyenne contient suffisamment de pesticides pour tuer 60 millions d’abeilles. »

Des études antérieures s’étaient déjà intéressées à la pollution par les néonicotinoïdes, famille dont fait partie l’imidaclopride. Ainsi, cette substance avait déjà été retrouvée dans les rivières du Royaume-Uni en 2017 alors que les insectes aquatiques sont connus pour être vulnérables aux néonicotinoïdes. Des recherches Néerlandaises ont d’ailleurs montré une forte diminution du nombre d’insectes et d’oiseaux dans les cours d’eau pollués à l’imidaclopride.

Ces traitements antipuces sont disponibles avec ou sans ordonnance, sous la forme de spray à appliquer, de cachet ou encore de collier imprégné. Au même titre qu’un médicament pour l’Homme, il s’agit d’un traitement médical. En ce sens, il faut s’interroger sur les pratiques qui entourent l’utilisation d’antiparasitaire, notamment l’utilisation prophylactique qui est généralement faite tout au long de l’année (les risques de contamination sont par exemple faibles en hiver).

Sources :

Ivo Roessink, Lemessa B. Merga, Hans J. Zweers, Paul J. Van den Brink. The neonicotinoid imidacloprid shows high chronic toxicity to mayfly nymphs. Environ. Toxicol. Chem. 2013;32:1096–1100

Rosemary Perkins, Martin Whitehead, Wayne Civil, Dave Goulson. Potential role of veterinary flea products in widespread pesticide contamination of English rivers. Science of the Total Environment, November 2020, 143560, ISSN 0048-9697.

The Guardian. Pet Flea treatments poisoning rivers across England, scientists find. [en ligne] disponible sur : https://www.theguardian.com/environment/2020/nov/17/pet-flea-treatments-poisoning-rivers-across-england-scientists-find?CMP=share_btn_tw. Consulté le 20/11/2020.

Van Dijk TC, Van Staalduinen MA, Van der Sluijs JP (2013) Macro-Invertebrate Decline in Surface Water Polluted with Imidacloprid. PLoS ONE 8(5): e62374.