Il est sans cesse mis en avant, et à juste titre, que les comportements et les attentes des consommateurs ont évolués et que de plus en plus d’individus se soucient de l’impact des biens qu’ils consomment sur leur santé et l’environnement. Une application mobile nommée Scan4Chem, lancée en novembre 2019, a été développé dans le cadre du projet européen LIFE AskReach en collaboration avec le Helpdesk Reach&CLP Luxembourg et le Luxembourg Institute of Science and Technology.
Cette application permet de scanner le code barre des articles de consommation, tels que les t-shirts, les chaussures, les jouets, le matériel électronique, les couches, etc.) pour savoir s’ils contiennent des substances extrêmement préoccupantes, autrement appelées SVHC (Substances of Very High Concern).
Il existe actuellement 209 substances pouvant être incluses à la liste des SVHC. Il s’agit :
- des substances classées cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) de catégorie 1A et 1B ;
- des substances classées persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) et très persistantes et très bioaccumulables (vPvB) ;
- des perturbateurs endocriniens.
L’obligation de communication sur les SVHC
Il est important de rappeler que le règlement européen sur les produits chimiques Reach est entré en vigueur en 2007 afin de sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne. Son but est de recenser, d’évaluer et de contrôler les substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le marché européen. Il vise notamment à accroître : les connaissances sur les substances chimiques, la protection de la santé et de l’environnement, ainsi que l’information de l’ensemble des acteurs (salariés, consommateurs, employeurs, pouvoirs publics, ONGs).
L’article 33 du règlement Reach impose une obligation de communication sur les SVHC. Ainsi, les fournisseurs d’articles contenant une SVHC dans une concentration supérieure à 0,1% en poids sont tenus d’en informer le consommateur qui soumet une demande d’information. Ces informations doivent être fournies au consommateur dans un délai de 45 jours.
Le développement de cette application mobile s’inscrit dans la cadre plus large du projet européen LIFE AskReach. Ce dernier a pour objectif d’améliorer la substitution des SVHC dans les articles en augmentant la demande du marché pour les articles ne contenant pas de SVHC et en soutenant les industriels dans l’identification des SVHC dans leurs articles. Il vise donc à sensibiliser les consommateurs sur les SVHC dans les articles, à sensibiliser les fournisseurs d’articles sur les SVHC et les obligations de communication qui leur incombent et à faciliter la communication sur les SVHC. Les secteurs des textiles (vêtements et accessoires), des articles de sport, des équipements de cuisine, des appareils électriques et électroniques, des jeux, jouets et articles de puériculture, des équipements ménagers, des meubles et matériaux de construction, des automobiles et de tous types d’emballage (alimentaires, cosmétiques), etc. sont concernés.
En revanche, les groupes d’articles qui ne sont pas visés par l’application Scan4Chem sont ceux qui disposent d’une liste d’ingrédients. En effet, le droit à l’information s’applique aux « produits », c’est-à-dire aux objets, aux emballages, mais pas aux produits alimentaires et liquides ou en poudre, tels que les cosmétiques, les détergents et les peintures. Ainsi, un consommateur qui scannerait son pot de peinture pour savoir s’il contient des substances dangereuses n’aura des informations de la part du fournisseur que sur le pot et non sur ce qu’il contient.
L’application Scan4Chem devrait en théorie permettre de mieux informer le consommateur et d’améliorer la communication entre les professionnels qui ignorent souvent eux aussi certaines informations le long de la chaine d’approvisionnement. Depuis sa sortie, près de 50.000 utilisateurs européens ont téléchargé l’application, parmi les 12 pays membres du projet LIFE AskReach. Plus de 9.400 fournisseurs d’articles sont inscrits dans la base de données (dont environ 140 entreprises françaises) et peuvent recevoir des requêtes de leurs consommateurs et y répondre. À ce jour, près de 11.000 requêtes ont été envoyées par les consommateurs européens et 46% ont obtenu une réponse. Ces chiffres paraissent bien dérisoires.
Les limites de cette approche
Il est regrettable que le devoir d’informer le consommateur, qui est inscrit dans la réglementation européenne, se traduise une fois encore par un transfert de responsabilité sur le citoyen. Celui-ci doit non seulement disposer de l’application mobile, mais aussi, avant d’acheter un article, faire la démarche d’interroger le fournisseur et attendre jusqu’à 45 jours une réponse. Le fournisseur doit par ailleurs être inscrit dans la base de données de l’application. Si ce n’est pas le cas, il est encore demandé aux utilisateurs de l’application de trouver et de renseigner par eux-mêmes le contact du fournisseur afin de pouvoir l’interroger sur la liste des composants des articles de consommation qu’il vend. Cette liste de composants n’est du reste pas toujours connue du fabricant. Sous couvert de faire valoir le « droit de savoir » des consommateurs, il est donc attendu des individus qu’ils poussent les industriels à remplir leurs obligations de transparence et d’information.
Il n’est pas acceptable que les pouvoirs publics, ainsi que les acteurs de l’industrie se déchargent de leur responsabilité sur les consommateurs. Cette tendance, qui tend à se généraliser figure en bonne place dans le 4e plan national santé environnement (PNSE4) qui est en cours d’élaboration. Dans ce plan, actuellement nommé « Mon environnement, ma santé », la responsabilité de la santé est toute entière laissée à l’individu, alors qu’aucune mesure contraignante n’est envisagée pour les acteurs qui fabriquent, disséminent et commercialisent des produits contenant des substances dangereuses pour la santé et l’environnement. Adopter un mode de vie sain ne dépend pas seulement d’une volonté individuelle. Personne ne choisit d’être exposé quotidiennement à des polluants chimiques ou physiques. Les producteurs de risques doivent être les principaux et uniques acteurs de l’élimination des SVHC dans les articles de consommation.