Dans un récent article, nous vous parlions des conclusions de l’Endocrine Society et d’IPEN formulées dans le rapport « Plastiques, Perturbateurs endocriniens et Santé ». Parmi elles, on trouvait notamment l’identification de 144 produits chimiques ou groupes de produits chimiques reconnus comme dangereux pour la santé humaine et pourtant activement utilisés dans les plastiques pour des fonctions allant de l’activité antimicrobienne aux colorants, retardateurs de flamme, solvants, stabilisateurs d’UV et plastifiants.
De quelles substances parle-t-on ?
Nous n’avions pas évoqué précisément les substances ou familles de substances mises en évidence. Ainsi, on distingue principalement 7 familles de produits chimiques dangereux pour la santé utilisés comme additifs ou matières premières pour la fabrication de plastiques.
Les bisphénols
La plus emblématique est probablement celle des bisphénols et particulièrement le bisphénol A (BPA). Utilisés comme composant dans les polycarbonates (qui permettent de fabriquer des composants qui résistent à la chaleur) et les résines époxy, on les retrouve principalement dans les emballages alimentaires, les bouteilles d’eau réutilisables ou encore les tuyaux d’eau en plastique. L’exposition aux bisphénols se fait donc principalement par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés.
Le BPA est classé reprotoxique catégorie 1B (peu nuire à la fertilité et au fœtus), H411 (toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets à long termes) et substance très préoccupante pour l’Union européenne du fait de sa toxicité. Un grand nombre de preuves confirment que le BPA est néfaste pour la santé humaine et l’environnement. A titre d’exemple, l’exposition au BPA est associé à divers effets sur le neurodéveloppement ainsi qu’à l’apparition de cancers. Notons pourtant que l’on retrouve du BPA chez 90 à 99% de la population mondiale !
En réponse à ces préoccupations croissantes, le BPA est désormais interdit dans certains produits.
En France, il est ainsi interdit dans les emballages et ustensiles alimentaires. Cette interdiction fait suite à une évaluation, publiée en 2011, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). En Europe, il n’est plus présents dans les contenants destinés à des enfants de moins de trois ans. Cependant, le problème persiste car le BPA est généralement substitués par des molécules congénères, comme les bisphénols S ou F, qui semblent pourtant avoir des effets similaires sur la santé.
Les phtalates
A l’image des bisphénols, les phtalates constituent une famille d’additifs assez connue du grand public. Ajoutés aux plastiques pour améliorer leur flexibilité et réduire leur fragilité, ils entrent dans la composition du PVC et composent de nombreux produits de consommation, comme les emballages alimentaires, les jouets ou encore, certains produits cosmétiques, parfums, ou encore certains produits ménagers, des vernis, des colles, des peintures, etc.
Ces plastifiants sont pour certains classés comme substances très préoccupantes pour l’Union européenne du fait de leur propriétés de perturbateurs endocriniens. L’exposition aux phtalates peut ainsi affecter la fertilité sur plusieurs générations et favoriser des pathologies comme le diabète et l’obésité.
Les alkylphénols
Autres additifs fréquemment utilisé dans les plastiques, les alkylphénols sont des tensioactifs et servent notamment de stabilisateurs thermiques pour le PVC dans les conduites d’eau et les revêtements de sol. De par leur capacité à imiter l’œstrogène, ils perturbent la reproduction et des études ont montré que l’exposition professionnelle est associée à un risque accru de cancer du sein chez les femmes et les hommes.
Les composés perfluorés
Les composés perfluorés (PFAS) ne sont quant à eux pas des additifs du plastique. Néanmoins, ils permettent la synthèse de polymères utilisés dans certains plastiques et à ce titre, ils peuvent y être retrouvés. Ces substances, surnommées « forever chemicals » du fait de leur persistance environnementale extrême, sont encore mal comprises dans leur ensemble car très nombreuses (près de 4 700 molécules distinctes !).
Cependant, il est désormais établi que les PFAS perturbent le métabolisme et affectent le système immunitaire, le foie et la thyroïde. Ils répondent à la définition des polluants organiques persistants (POP) au sens du Programme des Nations Unies pour l’environnement et de la convention de Stockholm et ont été ajoutés, depuis le 20 juin 2013, à la liste des substances préoccupantes. Pourtant, seule une poignée (PFOA, PFOS) est aujourd’hui régulée au niveau mondial. A titre d’exemple, ces deux composés perfluorés ont une demi-vie (temps nécessaire pour réduire de moitié la concentration d’un substance) allant de 3 à 5 ans dans le corps humain (contre quelques heures pour le bisphénol A par exemple).
Les retardateurs de flamme bromés
Afin de réduire les risques d’incendie ou d’en freiner la propagation, des retardateurs de flamme bromés (RFB) peuvent également être ajoutés aux plastiques. Ils sont ainsi couramment retrouvés des objets du quotidien (notamment des jouets pour enfants et les matériaux électriques et électroniques). La problématique est qu’ils peuvent ensuite être relargués dans nos environnements et qu’on les retrouvent dans les poussières domestiques. Or, ces substances perturbent le développement de la reproduction masculine et féminine, de la thyroïde et du cerveau. L’exposition aux RFB est également associée à une diminution des performances psychomotrices et de l’attention chez l’enfant.
Les dioxines
Les dioxines, considérées comme faisant partie des substances les plus toxiques au monde, sont des sous-produits de combustion et de procédés industriels. Elles ne sont pas ajoutées intentionnellement comme le sont les autres produits chimiques cités précédemment mais sont produites lors du processus de recyclage des plastiques. Il n’existe pas de niveau d’exposition sûr aux dioxines et leur caractère liposoluble favorise leur accumulation dans nos tissus adipeux. L’exposition aux dioxines affecte le développement du cerveau et perturbe les fonctions de la thyroïde et du système immunitaire, entraînant notamment un risque accru de cancers. Les préoccupations se posent notamment pour les jouets fabriqués à partir de plastiques recyclés et qui peuvent être mis à la bouche par de jeunes enfants.
Les stabilisateurs d’UV
Enfin, les stabilisateurs d’UV sont des additifs chimiques utilisés pour protéger les matériaux de construction, notamment ceux en plastique contre la détérioration due aux rayons UV. Plusieurs d’entre eux figurent sur la liste des substances candidates de très haute préoccupation de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) en raison de leur caractère persistant, bio-accumulatif et leur toxicité. Les stabilisateurs UV peuvent s’infiltrer dans nos aliments à partir des matériaux d’emballage et ont aussi été retrouvé dans les poussières domestiques. En parallèle, plusieurs études démontrent leur potentiel perturbateur endocrinien.
Générations Futures recommande de réduire notre dépendance aux plastiques et de les éliminer autant que possible de notre quotidien, en priorité pour les personnes vulnérables, à savoir les femmes enceintes, allaitantes, les nourrissons et les jeunes enfants.
Sources :
Ipen. Plastic, EDCs & Health. [en ligne] disponible sur : https://ipen.org/documents/plastics-edcs-health. Consulté le 20/01/2021.
Ipen. 7 harmful chemical types in plastics. [en ligne] disponible sur : https://ipen.org/documents/7-harmful-chemical-types-plastics. Consulté le 20/01/2021.