Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale a été adopté par les députés le 16 décembre dernier. La conclusion est sans appel, il est urgent de placer la question de la santé environnementale au premier plan, en particulier dans le contexte sanitaire actuel. Les membres de la commission définissent la santé environnementale comme « l’impact de l’Homme sur l’environnement, faune et flore, et ses conséquences sur sa propre santé et tous les êtres vivants. »
La rapporteure, Mme Sandrine Josso a rappelé lors de la présentation du rapport à l’Assemblée « le coût faramineux – en termes de vies humaines, mais aussi pour les finances publiques – de notre inaction dans ce domaine depuis des décennies ».
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 12 à 13 millions de décès dans le monde, soit 23% de la mortalité globale, sont liés à une cause environnementale (pollution de l’air en premier lieu, puis de l’eau en second). L’Agence européenne de l’environnement évalue quant à elle la proportion à 13% en Europe, soit 630.000 décès !
Selon la commission d’enquête du Sénat, le coût global de la pollution de l’air (conséquences à la fois économiques, environnementales et sanitaires) s’élève à plus de 100 milliards d’euros par an, dont 20 milliards pour la pollution de l’air intérieur.
En France, « la planification en matière de santé environnementale est un échec avéré »
Le Plan national santé environnement (PNSE) est inopérant, principalement car il ne bénéficie d’aucune volonté politique forte pour le soutenir. Par ailleurs, il est indispensable de repenser la place de la santé environnementale dans l’organisation de l’action publique.
Les députés ont alors adopté à l’unanimité 23 propositions ambitieuses afin de doter la France d’une réelle politique de santé environnementale.
Parmi ces dernières figurent :
- Le développement des programmes de recherche centrés sur les « effets cocktails », les conséquences des expositions multiples à faible dose et l’exposome ;
- La tenue annuelle d’une conférence nationale de santé environnementale;
- La volonté d’imposer la santé environnementale comme une dimension obligatoire de toutes autres politiques menées ;
- La transformation de la feuille de route Obésité en une stratégie nationale de prévention, incluant les facteurs environnementaux, et en particulier les perturbateurs endocriniens (PE) et de placer les cancers pédiatriques au cœur de la prochaine stratégie décennale de lutte contre le cancer ;
- Sur le plan réglementaire, l’intégration des effets PE parmi les toxicités prises en compte dans l’examen des produits dans le cadre de la révision du règlement européen REACH ;
- Renforcer les obligations des professionnels en termes de transfert des informations aux agences d’évaluation ;
- La mise en place un « toxi-score » afin d‘évaluer les produits de consommation et d’identifier la présence de substances cancérogènes, reprotoxiques ou perturbatrices endocriniennes ;
- L’obligation de la signature de contrats locaux de santé par les établissements publics de coopération intercommunale;
- La mise en place de relais de référence des préoccupations de la société civile en matière de santé environnementale, tâche qui pourrait être assignée aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) ;
- La formation continue obligatoire dans le cursus médical des facteurs environnementaux émergents.
Générations Futures soutient l’ensemble de ces propositions qui sont indispensables pour aboutir à un changement de paradigme et faire exister la santé environnementale.
Mais, rappelons que notre gouvernement travaille à l’élaboration fastidieuse du quatrième volet du PNSE. Copiloté par les ministères de la Transition écologique et des Solidarités et de la Santé, le PNSE4 (2020-2024) se veut un plan « chapeau » des 33 plans sectoriels existants sur les thèmes de la santé environnementale, abordant les thématiques oubliées, dans l’objectif d’en améliorer la lisibilité et l’efficacité. La publication du PNSE4 longtemps attendue et reportée, en partie en raison de la crise sanitaire actuelle, est à nouveau repoussée au printemps prochain.
En effet, à l’issue de la consultation publique le 9 décembre dernier, la présidente du Groupe santé environnement (GSE), Mme Elisabeth Toutut-Picard, annonçait lors de la dernière réunion du GSE, ce nouveau report. Ce dernier a été notamment justifié par la volonté d’intégrer les conclusions du rapport de la commission d’enquête parlementaire, ainsi que celles de la mission d’inspection sur l’expertise en santé environnement, et la proposition d’indicateurs formulée par le Haut conseil en santé publique. Les nombreux retours des membres du GSE et des citoyen.ne.s qui ont participé à la consultation publique sur le projet de PNSE4 devraient aussi être pris en considération.
Cela semble en effet indispensable, car le projet de PNSE4 n’est absolument pas à la hauteur des enjeux sanitaires en environnementaux actuels. Malgré le constat alarmant et communément admis, ce plan ne fixe toujours pas d’objectifs politiques à atteindre en matière de réduction des expositions environnementales néfastes pour la santé. Pire : ni indicateurs de résultat, ni moyens budgétaires associés aux actions, ni engagements contraignants et collectifs. En outre, il fait porter l’entière responsabilité de la santé sur l’individu !
Notre association, qui participe aux travaux des PNSE a formulé plusieurs propositions concrètes pour que le PNSE 4 soit entièrement revu afin de répondre à l’urgence de santé environnementale et également à la crise sanitaire actuelle de la Covid-19.
Cette dernière nous pousse à repenser nos modes de vie, nos systèmes agricole et alimentaire, et notre rapport à notre environnement. Nous savons à présent que la maladie frappe plus durement les personnes atteintes de maladies chroniques (diabète, obésité, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires). L’explosion de ces dernières est en grande partie liée à la détérioration de notre environnement et par notre exposition quotidienne à de multiples polluants chimiques, tels que les perturbateurs endocriniens.
Nous attendons donc que les propositions formulées par la commission d’enquête parlementaire figurent dans le PNSE4 et soient suivies d’effet.