La consultation publique concernant la révision du règlement européen REACH s’achève aujourd’hui 15 avril.
Le règlement REACH, qui s’applique à toute substance chimique produite en Europe à plus de 1 tonne par an, a pour objectif a d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement grâce à une identification précoce des propriétés intrinsèques des substances chimiques et à la restriction des substances les plus dangereuses. Depuis son entrée en vigueur en 2007, plusieurs faiblesses du règlement ont été régulièrement pointées du doigt, notamment la complexité et la lenteur des processus d’évaluation, limitant considérablement l’efficacité du règlement à restreindre et substituer les substances les plus dangereuses. La stratégie européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques reconnait ces failles et pointe la nécessité de réviser en profondeur le texte. Ainsi, un projet de révision est actuellement en cours au niveau de la Commission Européenne et fait l’objet d’une consultation publique.
Générations Futures, a participé à cette consultation afin d’appuyer plusieurs éléments visant une meilleure protection de la santé humaine et de l’environnement, tout en encourageant l’innovation et la recherche d’alternatives plus sures. Cela a été l’occasion unique (c’est la première fois depuis 2007 que les parties prenantes sont invitées à se prononcer sur le règlement) de soutenir plusieurs mesures qui nous semblent essentielles.
- En premier lieu, les données toxicologiques que doivent fournir les industriels avant de mettre les substances sur le marché doivent être revues à la hausse afin de mieux détecter les substances présentant des propriétés cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) ou de perturbation endocrine (PE).
- Aussi, les dangers des substances de faible tonnage (produit entre 1 et 10 tonnes par an) ne sont actuellement pas suffisamment bien connus et les données à fournir pour ces substances doivent être plus complètes. Pour obtenir ces informations, nous avons souligné qu’il n’est pas encore possible de totalement se passer des tests sur animaux de laboratoire. En effet, les méthodes alternatives comportent encore trop d’incertitudes et il n’est pas acceptable d’avoir des doutes quant aux propriétés toxiques des substances, en particulier si elles sont vouées à être utilisées par les consommateurs.
- Une autre avancée pour la protection de la santé et de l’environnement serait l’introduction d’un facteur de sécurité (MAF : mixture assessment factor) permettant de prendre en compte les effets cocktails des substances présentes en mélange, effets jusqu’alors non pris en compte avec l’approche d’évaluation « substance par substance ».
- Point important du projet de révision, l’introduction du concept « d’usage essentiel » permettrait d’autoriser les substances chimiques les plus nocives que si leur utilisation est indispensable pour la santé ou la sécurité et en l’absence d’alternative plus sure. Pour les usages dits « non essentiels », ces substances seraient interdites. Cela limiterait grandement l’exposition de la population et de l’environnement aux substances les plus dangereuses. Toutefois, la définition exacte d’un usage essentiel n’est pas encore actée et il reste encore beaucoup de flou autour de cette notion. Si ce concept est bien appliqué, le processus d’élimination et de substitution des substances les plus dangereuses en serait rendu beaucoup plus efficace, simple, rapide et prévisible.
- Dans la même lignée que le concept d’usage essentiel, la stratégie européenne pour la durabilité des produits chimiques promeut l’extension de l’approche générique de la gestion des risques. Cette approche permet actuellement à la Commission de pouvoir interdire des substances ayant des propriétés CMR dans certains produits utilisés par les consommateurs et les enfants par exemple. La Commission propose d’appliquer cette notion dans REACH et d’élargir ce concept au-delà des seules substances CMR aux substances PE, persistante (PBT), immunotoxiques, neurotoxiques entre autres. L’interdiction de ces substances seraient également encouragées pour certains produits destinés aux professionnels, en plus de ceux à destination des consommateurs.
Générations Futures a donc souligné l’importance de ces 2 approches (usage essentiel et approche générique de gestion des risques) qui sont fondée sur une restriction des substances en fonction de leur danger et non pas en fonction des résultats de l’évaluation des risques. En effet, l’accumulation des preuves montrant une contamination généralisée des populations et de l’environnement, démontre depuis longtemps que l’approche par évaluation des risques, aussi appelée approche du « safe use » prônée par l’industrie, et encore largement utilisée, n’est pas efficace pour limiter les expositions.
« A l’issue de cette consultation, la Commission va réaliser une grande étude d’impact dont les résultats sont attendus en septembre. Une proposition de texte sera ensuite rendue publique en décembre 2022. Nous continuerons donc de suivre de près les discussions, notamment sur la notion d’usage essentiel, afin de s’assurer que les objectifs de protection de la santé et de l’environnement fixés dans la Stratégie européenne sur les produits chimiques soient bien maintenus » déclare Pauline Cervan, chargée de mission réglementaire au sein de Générations Futures.