Le dioxyde de titane (E171) est un additif de taille nanoparticulaire utilisé comme colorant blanchisseur dans de nombreux produits du quotidien (produits alimentaires, cosmétiques, crèmes solaires, dentifrices, médicaments, peintures, etc.). On le retrouve aussi dans le secteur de la construction des bâtiments et des travaux publics. Classé depuis 2016 comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer, le dioxyde de titane est interdit en France dans les denrées alimentaires depuis le 1er janvier 2020. La suspension de l’importation et la mise sur le marché du E171 est valable pour un an, renouvelable le cas échéant, le temps de lever ou non les incertitudes sur son innocuité.
Rappelons qu’il aura fallu se battre pour obtenir la suspension du dioxyde de titane qui avait été adoptée par les députés dans la loi agriculture et alimentation (EGALIM) votée le 30 octobre 2018. Durant de longs mois l’entrée en vigueur de cette mesure était gelée par Bercy qui refusait de prendre l’arrêté ministériel entérinant cette mesure. Une coalition d’associations, dont Générations Futures, s’était alors mobilisée pour que le ministre, Bruno Le Maire signe cet arrêté, le 11 janvier 2019.
D’une manière générale, il persiste aujourd’hui des interrogations vis à vis des effets des nanomatériaux sur la santé et l’environnement, notamment du fait de leur capacité à passer les barrières physiologiques. La taille des nanoparticules, inférieure à 100 nanomètres, facilite leur pénétration dans l’organisme. Pour rappel, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, l’environnement et du travail (Anses) recommande » un encadrement règlementaire renforcé des nanomatériaux manufacturés, afin de mieux caractériser chaque substance et ses usages« .
L’interdiction du dioxyde de titane s’inscrit dans ce besoin de mieux encadrer les substances à l’état nanoparticulaire. En effet, outre le fait que l’utilisation d’un colorant soit dans tous les cas non essentiel et ne servent qu’à améliorer l’aspect esthétique des produits, l’innocuité de l’additif E171 n’est toujours pas prouvée.
Une étude conduite par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) (Bettini et al, 2017) a mis en évidence des effets promoteurs potentiel de la cancérogénèse colorectale suite à une exposition chronique chez des rats. Les chercheurs ont montré pour la première fois que le E171 pénètre la paroi de l’intestin, passe dans la circulation sanguine et se retrouve dans l’organisme des rats.
Une nouvelle étude française, conduite par l’INRAE et publiée ce jour même, démontre que les nanoparticules de dioxyde de titane peuvent traverser le placenta chez la femme enceinte et atteindre le foetus. Le directeur de recherche de l’INRAE et coordinateur de l’étude, Eric Houdeau, déclare que ces travaux « montrent pour la première fois que l’exposition chez la femme enceinte existe« .
Il est important de noter que l’interdiction de dioxyde de titane ne concerne actuellement en France que les produits alimentaires. Il reste autorisé pour les cosmétiques, les médicaments, la peinture et certains matériaux de construction. De plus, elle ne s’applique pour le moment qu’à la France et non à l’ensemble de l’Europe.
Le Parlement européen s’oppose à la proposition de la Commission d’autoriser les additifs E171 contenant jusqu’à 50% de nanoparticules de dioxyde de titane
Le parlement européen s’est réunit ce mercredi 07 octobre afin de voter à une écrasante majorité (443 voix pour, 118 contre et 135 abstentions), l’objection déposée par plusieurs députés européens contre la proposition de la Commission d’autoriser les additifs E171 qui contiennent jusqu’à 50% de nanoparticules de dioxyde de titane.
La Commission doit désormais modifier ou retirer sa proposition, alors que dans son communiqué, le Parlement l’appelle à « appliquer le principe de précaution et à retirer le E171 de la liste européenne des additifs alimentaires autorisés,actuellement utilisés principalement pour colorer les confiseries, les gâteaux, les desserts ainsi que les chewing-gums, les bonbons, les chocolats et les glaces« .
Il s’agit d’une avancée majeure qui, on l’espère, appellera à une prise de position plus globale sur l’ensemble des produits comportant du dioxyde de titane mais également sur les problématiques posées par les nanoparticules en général, notamment sur l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux.