Mobilisation contre l’implantation d’une usine de laine de roche à Soissons

* Photo non apparentée à la firme Rockwool

La firme danoise Rockwool, projette d’implanter une usine de fabrication de laine de roche – un isolant thermique – sur la zone du Plateau qui surplombe la ville de Soissons, dans l’Aisne. Ce projet est à l’origine d’une très forte opposition de la part de riverains, de collectifs d’associations, d’élus locaux, de médecins, d’architectes et de scientifiques. La principale raison : plus de 900 tonnes de polluants atmosphériques, dont certains cancérigènes, pourraient chaque année être portés par les vents et contaminer les quelque 50.000 habitants de l’agglomération et les terres agricoles environnantes.

L’enquête publique qui a enregistré 550 contributions et 85% d’avis négatifs a conduit à délivrer un avis défavorable au projet en décembre 2020. Le commissaire-enquêteur considérant « que les désavantages l’emportent sur les avantages du projet ». Cette décision s’appuie sur plusieurs arguments en rapport notamment avec la localisation de l’usine et les incertitudes liées aux rejets toxiques et aux « risques non maîtrisés » qui « ne respectent pas le principe de précaution qui doit prévaloir en matière de santé publique ». L’expert s’appuie sur le manifeste rédigé par un collectif de médecins qui alertent sur les maladies que pourraient favoriser l’exposition aux produits chimiques rejetés par l’usine. Parmi la longue liste dressée par les médecins figurent des maladies cardio-vasculaires, des infarctus du myocarde, des accidents vasculaires cérébraux, des pathologies respiratoires, des cancers, Alzheimer ou encore des grosses compliquées.

Dans le dossier d’enquête publique du projet d’implantation de l’usine, se trouve la liste des produits chimiques toxiques rejetés dans l’atmosphère lors de la fabrication de la laine de roche, à savoir :

  • les particules fines (PM10 et PM2.5): 222 tonnes par an,
  • l’ammoniac: 262 tonnes /an,
  • les oxydes d’azote: 172 tonnes /an,
  • les composés organo-volatiles (COV): 124 tonnes /an,
  • les oxydes de soufre: 73.5 tonnes/an,
  • le phénol: 42 tonnes / an,
  • le monoxyde de carbone: 21 tonnes/an,
  • le formaldéhyde: 21 tonnes/an,
  • l’acide chlorhydrique: 6.3 tonnes /an,
  • les métaux lourds, hafnium, sulfure d’hydrogène, dans de moindres proportions.

Les médecins souligne également les incertitudes concernant des produits dangereux n’ayant pas été évalués (particules ultra-fines, hydrocarbures polycycliques), la nature de certains composés tels que les COV, ainsi que sur les effets cocktails.

Par ailleurs, comme le souligne à juste titre le collectif Stop Rockwool rassemblant de nombreux opposants à l’implantation de l’usine, dans une lettre adressée aux élus en novembre 2020, ce projet est en totale contradiction avec les orientations stratégiques de la Région en matière de respect de l’environnement, de réduction des consommations d’énergies, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’amélioration de la qualité de l’air, ou encore d’économie circulaire.

Selon le chercheur au CNRS, Thomas Leroux « Les procédés de fabrication sont très polluants. C’est le résultat de l’industrie du pétrole et de la chimie, des secteurs qui font suffoquer la planète. Par définition, ce genre d’usine devrait être proscrit en tout lieu, étant donné qu’il contribue à la destruction des ressources, l’altération des milieux, enfin au réchauffement climatique. Dans le monde actuel, il devient aberrant de concevoir ce genre d’usines – en l’occurrence, les procédés de ce groupe industriel dans d’autres usines ailleurs dans le monde ont été prouvés comme très polluants. Les substances qui s’échapperont des fumées retomberont, au moins en partie, dans la cuvette de Soissons, cela est inévitable : l’air de la ville va être dégradé ».

Le groupe Rockwool se veut rassurant en répondant que « la bonne qualité actuelle de l’air du secteur est à préserver mais le projet s’insère en milieu rural, dans un environnement favorable à la dispersion des polluants, dans un secteur où est absent tout établissement sensible et qui se trouve éloigné des zones habitées. Ainsi les premières cibles correspondent aux salariés de la ZAC du Plateau qui ne sont donc pas là de manière permanente et au cœur habité des communes de Ploisy et Courmelles qui se trouve à plus d’1 km des futures installations et en dehors des vents dominants. »

Rappelons que l’usine serait pourtant située à proximité d’une agglomération de plus de 50.000 habitants qui se trouvera sous les vents dominants.

Néanmoins, par voie d’un communiqué de presse publié le 2 avril dernier, la préfecture de l’Aisne a donné son accord à l’implantation de l’usine malgré l’avis négatif de l’enquête publique, l’opposition de la commune qui avait décidé de ne pas accorder de permis de construire et l’opposition des riverains.

En dépit des risques sanitaires et environnementaux incontestables, les élus favorables au projet mettent en avant le nombre d’emplois qui pourraient être créés dans une région durement touchée par le chômage. Rockwool, de son côté promet la création de 130 à 150 emplois directs et des emplois indirects. Or, comme le soulignent les membres du collectif Stop Rockwool, la majorité des emplois directs concerneraient des mobilités internes à l’entreprise.

Par ailleurs, des alternatives sûres en matière d’isolation des bâtiments avec de la laine de roche existent et sont actuellement disponibles sur le marché. Le recours à des isolants biosourcés, en chanvre par exemple, permettrait d’impliquer des agriculteurs, des PME et des coopératives locaux. Des matériaux issus de l’économie circulaire telle que la ouate de coton recyclé, ou encore issus de la filière du bois sont autant de solutions permettant de répondre aux besoins d’isolation, d’impliquer les acteurs locaux et de créer réellement des emplois sans contaminer durablement tout un territoire et ses habitants.

Retrouvez des articles d’information sur le site du collectif Stop Rockwoolainsi que les actions engagées depuis 2019, pétition, manifestation, actions juridiques, etc. afin de lutter contre l’implantation de cette usine polluante.

 » Générations Futures soutient les attentes du collectif Stop Rockwool et des autres associations qui luttent contre ce projet. Alors que l’on sait que la pollution de l’air ambiant est responsable du décès de plus de 40.000 personnes par an*, comme peut-on encore à notre époque autoriser l’installation d’usines pouvant être émettrices de substances polluantes , le tout à proximité de zones habitées ? De même, comment peut-on encore favoriser l’utilisation de matériaux d’isolation en fibres minérales dont l’innocuité n’est pas avérée, et ce après le scandale de l’amiante et ses milliers de morts? La création d’emplois ne peut pas être le seul argument qui pèse dans la balance! D’autant plus que des alternatives efficaces et non polluantes existent et permettraient de créer des emplois locaux et de redynamiser le territoire. », déclare Fleur Gorre, chargée de campagne chez Générations Futures.

* Chiffres annoncés sur la période 2016-2019, selon Santé Publique France : https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/enquetes-etudes/impact-de-pollution-de-l-air-ambiant-sur-la-mortalite-en-france-metropolitaine.-reduction-en-lien-avec-le-confinement-du-printemps-2020-et-nouvelle