Influence des facteurs environnementaux dans la survenue de cancers

Le vendredi 11 décembre, le Parlement européen organisait une convention spéciale sur la prévention du cancer et le rôle que peut prendre l’environnement dans le développement de cette maladie. Ainsi, 6 grands spécialistes* ont pris la parole afin de présenter le sujet dans sa globalité. Comme cette audience était publique, Générations Futures a pu y participer, ce qui nous permet aujourd’hui de résumer la problématique des facteurs de risques environnementaux associés au cancer, mais également à d’autres maladies.

En 2018, l’Europe comptait 4,23 millions nouveaux cas de cancers selon l’Observatoire du centre international pour la recherche sur le cancer (CIRC/OMS). Le nombre annuel de nouveaux patients atteints de cancer devrait augmenter à 5,21 millions d’ici 2040. Cela signifie que dans les 20 à 25 prochaines années, l’Europe sera confrontée à une épidémie de plus de 100 millions de nouveaux patients cancéreux, selon une projection objective prenant en compte les efforts de prévention et de détection précoce.

D’après des calculs détaillés effectués pour la France (par le CIRC/OMS), l’Allemagne (par le Centre allemand de recherche sur le cancer) et le Royaume-Uni (par l’Université de Oxford), 50%, des causes de cancer en Europe ont été identifiées.

Parmi les cancers considérés comme évitables, près de la moitié restent dus au tabagisme et une part importante est induite par l’obésité/l’inactivité physique, une alimentation malsaine et la consommation d’alcool. D’autres cancers sont évitables par la vaccination contre les agents infectieux, en particulier le papillomavirus (HPV) et l’hépatite B. Enfin, l’exposition aux radiations (exposition excessive au soleil, radon,…) ou à certaines substances chimiques peut également entraîner le développement de cancers. On estime ainsi que 3 à 5% des cancers sont attribuables à des expositions sur le lieu de travail ou à des polluants environnementaux.

L’exposition volontaire au soleil est la principale raison d’une exposition trop élevée aux rayonnements ultra-violets (UV), bien qu’une partie soit aussi liée à une protection insuffisante des travailleurs extérieurs. Comme l’exposition au soleil est importante pour la production de vitamine D et que l’activité physique en plein air est bénéfique, il est important de trouver un bon équilibre entre une exposition trop forte et trop faible au soleil.

De nombreuses particules dans l’air sont des causes de cancer scientifiquement établies. Les cancers liés à la pollution de l’air en Europe sont proportionnellement faibles par rapport aux régions du monde où la combustion intérieure des déchets solides est le principal combustible pour la cuisine et le chauffage. Cependant, le fardeau actuel du cancer lié à la pollution atmosphérique est le reflet des niveaux de pollution de l’air ambiant d’il y a 10 à 20 ans.

Enfin, notons également que 50 % des causes de cancer restent inconnues, il est donc indispensable de poursuivre la recherche sur les causes du cancer.

Des actions de prévention indispensables

Il existe plusieurs défis liés à la prévention des cancers. Parmi eux, il n’existe aujourd’hui pas de données scientifiques suffisantes pour démontrer le niveau d’implication de nombreux produits chimiques dans l’apparition de cancers. Par ailleurs, la mise en œuvre de politique de prévention ne permet d’obtenir seulement des bénéfices sur le long terme. A titre d’exemple, citons les décès par mésothéliome en Allemagne de l’Ouest, un cancer presque entièrement dû à l’exposition à l’amiante. Cette substance a été interdite en Allemagne au début des années 1990. Or, le pic des décès par cancer liés à l’amiante n’a été atteint que près de 30 ans plus tard, lorsque la tendance à la hausse a été inversée.

Enfin, un autre challenge est que l’ampleur du risque à faible dose pour de nombreux agents chimiques n’est pas connue, alors qu’il est bien établi que pour la plupart des expositions environnementales, le risque de cancer augmente avec la dose. Par exemple, dans le cas des pesticides, il a été démontré que certains d’entre eux sont cancérigènes, dans des études portant sur des applicateurs de pesticides ou des agriculteurs. Cependant, leur effet à des doses plus faibles du fait de l’exposition de la population générale par exemple, sous forme de traces dans l’alimentation ou par la dérive des champs agricoles ou la contamination de l’eau potable n’est pas connu. Cela pose des problèmes pour fixer des priorités en matière de lutte contre le cancer sur des facteurs ayant moins de certitude scientifique que ceux qui sont bien décrits.

Bien qu’au niveau de la population, moins de cancers soient dus à des facteurs environnementaux, il existe différentes raisons importantes d’appliquer des stratégies de prévention contre les cancers environnementaux :

  • Pour les personnes ayant un mode de vie sain, les expositions environnementales peuvent devenir leur principal risque de cancer ;
  • La protection contre les contaminants environnementaux est souvent hors du contrôle de l’individu et les expositions sont involontaires ;
  • Ce sont souvent les individus les plus précaires, notamment les populations à faible revenu, qui ne sont pas en mesure de se protéger contre les cancers de l’environnement, y compris sur le lieu de travail ;
  • La contribution des cancers de l’environnement peut être sous-estimée, notamment du fait que 50% des causes de cancers restent inconnues et que les données scientifiques sur l’évaluation des risques liés aux produits chimiques sont très largement incomplètes.

Pour résumer, les cancers sont des maladies multifactorielles. Néanmoins, pour la plupart, les causes environnementales contrôlables sont susceptibles de correspondre à un nombre éventuellement élevé de facteurs environnementaux ayant chacun une « petite » contribution.

L’impact global de l’environnement sur la santé 

Le débat s’est ensuite élargi à l’impact de l’environnement sur la santé. En effet, 24% de tous les décès mondiaux sont liés à l’environnement, soit 13,7 millions de décès par an dont près de la moitié pourrait être évité. Parmi ces décès, 3,8 millions par an sont liés à la pollution dans les foyers et une mort sur 8 est due à la pollution de l’air ambiant. Par ailleurs, il a été rappelé que même si 30% du risque des cancers pulmonaires est imputable à la pollution de l’air, cette dernière touche aussi d’autres organes. En effet, des études ont mis en évidence l’influence de la pollution de l’air dans la survenue de maladies qui diffèrent en fonction du stade de la vie :

  • Fœtus et nouveau-nés: Poids de naissance et neurodéveloppement
  • Enfance et adolescence: Allergies, asthmes, infections respiratoires
  • Age adulte: Bronchites, Bronchopneumopathie chronique obstructive, inflammation, trouble des connaissances, morbidité cardio-vasculaire
  • Personne âgée : Cancer des poumons, mortalité, mortalité cardiovasculaire

La pollution de l’air peut également être liée à un certain nombre de conséquences sur l’espérance de vie. Des études (dont le prix Nobel de médecine en 2009) mettent en effet en évidence que la réduction de la longueur des télomères (l’extrémité d’un chromosome qui intervient notamment dans les processus de vieillissement cellulaire) est associée à un vieillissement des cellules. Or, la pollution de l’air peut justement entrainer une réduction progressive de la longueur des télomères.

Par ailleurs, l’OMS rappelle l’impact des maladies non transmissibles, menant à la mort et attribuables à l’environnement (données 2012 correspondants aux pays européens) :

 

 

* Dr Joachim Schüz, Chef du service environnement et radiation du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), Prof Johanson Gunnar, Professeur de toxicologie et d’évaluation des risques à l’Institut Karolinska, Dr Maria Neira, Directeure de la santé publique et de l’environnement à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Dr Cristina Martínez-González, de la Spanish Society of Pulmonology and Thoracic Surgery (SEPAR), Prof Dr Tim Nawrot, Professeur d’épidémiologie environnementale à l’Université d’Hasselt, Dr Rémy Slama, Chercheur sénior à l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).