Les Belges et les perturbateurs endocriniens

Le 19 novembre 2020, Générations Futures assistait à un symposium organisé par les Mutualités Libres et Health and Environment Alliance (HEAL), dont le thème portait sur la réduction de l’exposition et de l’impact sur la santé lié aux perturbateurs endocriniens (PE). Cette conférence s’est déroulée dans le contexte de l’élaboration d’un plan d’action Belge sur les perturbateurs endocriniens et de la publication des objectifs fixé par le Pacte vert pour l’Europe (European Green deal).

Pour rappel, les PE sont décrits par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme  » une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou au sein de sous-populations « . Or, étant donné leur caractère ubiquitaire, l’Homme y est constamment exposé. Leur gestion constitut donc une priorité mondiale pour la protection de l’environnement et de la santé humaine. Cette gestion est d’ailleurs d’autant plus difficile que ces substances présentent certaines caractéristiques, qui contredisent notamment les principes de la toxicologie classique :

  • il n’y généralement pas de corrélation entre la quantité et les effets observés (la dose ne fait pas la poison)
  • délai possible entre la période d’exposition et ses effets ce qui rend délicat la mise en évidence de lien entre les deux
  • importance des fenêtres d’expositions, c’est à dire les périodes de la vie lors desquelles l’individu est exposé (période de vie périnatale par exemple où le fœtus est particulièrement sensible)
  • les effets de mélanges sont difficilement prévisibles

Malgré ces éléments alarmants, les perturbateurs endocriniens sont globalement peu connus par la population générale, alors même que le coût qu’il leur est associé est estimé à 163 milliards d’euros par an en Europe. Ce manque de connaissances a d’ailleurs été observé dans une récente étude réalisée en Irlande du Nord.

Ainsi, le symposium sur les expositions aux PE a permis à  Xavier Brenez, Directeur général des Mutualités Libres, de présenter les résultats d’une enquête visant à évaluer le degré de familiarité des citoyens Belges sur les PE, ainsi que d’identifier leurs habitudes en rapport avec l’exposition aux substances chimiques. Pour cela, un groupe représentatif de la population Belge, composé de 1000 personnes, a été interrogé pendant le mois de juin 2020.

Quel est le niveau de connaissance des Belges par rapport aux PE

Il ressort de ce sondage que 48% des personnes interrogées n’ont jamais entendu parler des perturbateurs endocriniens. En additionnant ce chiffre au 30% de sondés qui en ont déjà entendu parler mais n’en savent pas beaucoup plus, on atteint une proportion de plus de 3 quarts de la population qui dispose au mieux d’une connaissance très limitée sur les PE. Plus étonnant, parmi les 29 femmes enceintes ou venant d’accoucher, seul 4 savaient ce que sont les PE. Or, elles constituent un groupe particulièrement vulnérables aux effets de ces substances chimiques.

Peu importe leur niveau de connaissances sur les PE, les participants ne se sentaient pas informés sur le sujet. Par ailleurs, la présence de ces molécules était reliée aux pesticides (36%), emballages (30%), produits d’hygiène personnelle (27%), jouets (22%), boîtes en plastique et poêles avec un revêtement antiadhésif (22%).

Enfin, près de 60% des Belges questionnés n’ont aucune idée des effets délétères dont les PE sont responsables (cancers, impact sur le développement, diabète et obésité, problèmes de fertilité, effets transgénérationnels, etc.) En outre, 75% des Belges pensent que les produits vendus sur le marché Belge ne contiennent pas de substances potentiellement dangereuses. Or, il est aujourd’hui totalement impossible d’assurer que l’ensemble des produits chimiques sont surs du fait des difficultés d’évaluer l’ensemble des substances ou encore des nouvelles propriétés de certaines qui sont souvent découvertes après leur mise sur le marché. L’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques concluait d’ailleurs en 2018 qu’un tiers  des substances chimiques le plus utilisées en Europe ne respectait pas la réglementation censée protéger la santé et l’environnement. 

Comportements, sources d’information et volonté de s’adapter

Certaines habitudes (bonnes ou mauvaises) modulent notre exposition aux perturbateurs endocriniens. La fréquence de ces comportements concernant la population Belge a été évaluée par cette étude :

  • Parmi les habitudes qui réduisent notre exposition, 86% des sondés aèrent régulièrement leur maison, 53% épluchent les fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle et 26% achètent des fruits et légumes biologiques.
  • Parmi les comportement qui augmentent notre exposition, 61 % réchauffent des aliments dans des contenants en plastique et 50 % utilisent des vêtements ou du linge de lit neufs sans les avoir lavés au préalable.

Les Mutualités Libres et HEAL ont d’ailleurs regroupé une partie des comportements à adopter dans une infographie:

Une fois toutes ces observations faites, il semble évident qu’une meilleure communication autour des PE doit être faites. Pour preuve, 66% des Belges qui savent ce que sont les PE se disent préoccupés par leur exposition et 70% de l’échantillon global se dit prêt à adapter son comportement.

Comme dans l’étude Irlandaise citée plus tôt, il ressort de ce sondage que les informations doivent provenir d’une source officielle et fiable et sous une forme compréhensible et scientifiquement fondées (les détails scientifiques peuvent donc par exemple s’avérer contre-productif). En effet, ceux qui veulent s’informer sont généralement à la recherche d’informations claires, brèves et faciles à comprendre.

Enfin, les personnes interrogées ont exprimé leur volonté que le gouvernement interdisent les substances dangereuses mais également que les prestataires de soins de santé puissent leur fournir des informations sur les PE.

Source :

Mutualités Libres. Perturbateurs endocriniens : Agir pour protéger notre santé. Novembre 2020. Disponible sur : https://www.mloz.be/sites/default/files/events/position_paper_mutualites_libres_perturbateurs_endocriniens_0.pdf