Incendie de Lubrizol, un an après

Rappel

Dans la nuit du 25 au 26 septembre 2019, un incendie se déclenchait au sein de l’usine Lubrizol à Rouen formant un panache de fumée noire long de 22km. L’usine classée Seveso « seuil haut » synthétise et stocke des produits chimiques destinés à être utilisés comme additifs pour lubrifiants. Près de 10 000 tonnes de produits chimiques ont brûlé sur le site de Lubrizol et sur celui de l’entreprise voisine Normandie Logistique. Certaines substances toxiques pour la santé et l’environnement ont été répandues lors de la combustion. Un an après cette catastrophe technologique de nombreuses interrogations subsistent et la mobilisation de certains riverains ne faiblit pas.

Dès les premiers jours qui ont suivis l’incendie, Générations Futures s’est mobilisée pour alerter sur les risques que les émanations pouvaient présenter pour les riverains ainsi que pour les milieux. Notre association s’est associée à l’Appel unitaire de plus de 20 organisations exigeant la transparence complète et une information sur les suivis sanitaires et environnementaux mis en place. Nous siégeons dans le comité de pilotage et de suivi de la catastrophe de Lubrizol et avons engagé une procédure juridique en portant plainte contre X pour mise en danger d’autrui et atteintes à l’environnement. Enfin, notre association a appelé les personnes concernées par les retombées de l’incendie à recueillir des échantillons afin de procéder à des analyses indépendantes.

Depuis l’accident, la mission d’information parlementaire et commission d’enquête sénatoriale ont rendu leurs conclusions, de nombreuses plaintes ont été déposées et des enquêtes judiciaires sont en cours.

Suivi sanitaire des victimes

Au mois de mai, une première étude citoyenne menée par l’association Rouen Respire nous apprend que la zone géographique touchée par l’incendie serait plus vaste que la trajectoire du panache de fumée. Des odeurs et des dépôts de suie ou de fibrociment (amiante) ont été constatés parfois à plus de 10 km du site. Les conséquences physiques et psychologiques sont nombreuses. Les personnes souffrant de maladies chroniques ont vu leurs pathologies s’aggraver et de nombreux cas de stress post-traumatique ont été comptabilisés.

Il aura fallu attendre un an pour que Santé Publique France, annonce le lancement d’une étude épidémiologique de grande ampleur pour « décrire la santé et la qualité de vie des populations » suite à l’incendie. Plus de 5 000 habitants tirés au sort dans 122 communes du département de Seine-Maritime devront répondre à un questionnaire. Les premiers résultats de l’étude seront disponibles fin 2020 – début 2021.

Or, nous savons, face à ce genre d’accident industriel, il aurait été nécessaire de prélever immédiatement des échantillons sanguins auprès des populations impactées pour connaître les conséquences sur le long terme. Le rapport de la Commission d’enquête du Sénat – pour lequel Générations Futures a été auditionnée – relève également un suivi des conséquences sanitaires sur le long terme inapproprié et de graves manquements dans la gestion de la crise. Selon la Commission il demeure un risque d’exposition au benzène pour les populations qui étaient situées sur le site de l’usine le jour et le lendemain de l’incendie, ainsi qu’une incertitude importante concernant les dioxines et furanes. Elle souligne la nécessité de mettre en place une cohorte de population composée de toutes les personnes intervenues au cours de l’incendie et de les soumettre à un programme de biosurveillance. Elle recommande aussi de « changer de paradigme en matière sanitaire, en mettant en place un véritable principe de précaution » et d’ouvrir, à l’échelle du département de la Seine-Maritime, deux registres de morbidité : l’un relatif aux cancers généraux, l’autre aux malformations congénitales.

Impacts environnementaux

L’impact global de la catastrophe de Lubrizol sur les milieux naturels est jusqu’à présent largement ignoré.

Même si de nombreuses campagnes de prélèvements et d’analyses sont effectuées depuis la catastrophe, un suivi structuré et planifié des effets de l’incendie sur la faune et la flore n’a pas été mis en place. Les analyses semblent se multiplier sans réelle coordination.

Retrouvez les résultats des analyses ici.

Comme le souligne la directrice de Santé publique France citée dans le rapport de la Commission d’enquête du Sénat : « les données sont très nombreuses, et les formats restitués variés, rendant complexe une analyse globale en vue d’en réaliser une synthèse ». « il est indispensable que ces données soient structurées dans une base de données, [qui] doit pouvoir alimenter un système d’information géographique permettant de superposer au panache de l’incendie l’ensemble des prélèvements réalisées et de restituer de manière visuelle l’ensemble des éléments permettant d’apprécier l’impact de cet incendie ».

Générations Futures partage ce constat et déplore toujours l’inexistence en France de bases de données géolocalisées sur l’exposition des populations aux polluants et de registres complets des pathologies, en particulier pour les riverains de sites Seveso à hauts risques. Le croisement de ces informations permettrait d’avoir une connaissance précise des expositions et de leurs potentiels effets sur la santé en fonction des sources de polluants. Elles permettraient ainsi de connaître l’état de santé des populations avant que les accidents ne surviennent, facilitant par la suite le suivi post-accidentel.

Notre association se tient auprès des populations exposées et des agriculteurs ayant subis et subissant encore les conséquences de la catastrophe. Elle poursuit son combat pour obtenir la transparence complète et une information sur le suivi sanitaire et environnementale mis en place depuis l’incendie. Elle affiche toute sa solidarité auprès des manifestants qui se sont réunis le 26 septembre dernier, lors de la manifestation nationale organisée le par le collectif unitaire Lubrizol « pour la justice et la vérité et pour l’indemnisation complète de toutes les victimes ».