La stratégie européenne durable sur les produits chimiques (Chemical strategy for sustainability), qui est en phase finale d’élaboration, sera publiée le 14 octobre prochain. Cette stratégie offre une chance d’atteindre « zéro pollution » pour un environnement exempt de substances toxiques à l’horizon 2030, ambition affichée dans le cadre du pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), en décembre 2019. La stratégie doit permettre de mieux protéger les citoyens européens et l’environnement des produits chimiques toxiques. Comme le préconise la résolution adoptée par le Parlement européenne en juillet dernier, une stratégie ambitieuse viserait notamment à combler les failles de la législation existante, mettre en place un cadre global de lutte contre les perturbateurs endocriniens, prendre des mesures pour protéger en priorité les groupes vulnérables et développer des solutions de substitution sûres.
Or, dès le mois de juillet, nous apprenions que le contenu de la stratégie faisait l’objet de vifs débats au sein de la Commission. Une bataille se jouait entre la direction générale chargée de l’environnement (DG Environnement), qui est responsable du contenu de la stratégie, et la direction générale chargée du marché unique, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des petites entreprises (DG Grow), présidée par le Français Thierry Breton. Plusieurs médias avaient eu accès au projet de texte amendé et commenté par la DG Grow, qui cherchait explicitement à vider de sa substance la stratégie. La DG Grow cherche à sauvegarder les intérêts économiques des entreprises, à minimiser les preuves scientifiques existantes sur les effets néfastes d’un nombre important de produits chimiques présents sur le marché européen et à freiner l’adoption de mesures en faveur de la santé publique. D’autres fuites dans les médias ont également mis en évidence l’action des lobbys des géants de la chimie, tels que Bayer-Monsanto, qui tentent par tous les moyens d’affaiblir la stratégie.
Une lettre conjointe avait été adressée au vice-président de la Commission européenne en charge du Pacte vert et de la stratégie chimique, Frans Timmermans, par l’Alliance pour la santé et l’environnement (HEAL), dont Générations Futures est membre, pour dénoncer ces agissements.
A présent, HEAL et le Bureau européen de l’environnement (EEB) lui adresse une nouvelle pétition, dans laquelle il est explicitement demandé à Frans Timmermans de garantir que la nouvelle stratégie de l’UE en matière de substances chimiques protège notre santé et l’environnement, et qu’elle respecte pleinement les engagements de la Commission en faveur de l’objectif de pollution zéro pour un environnement sans produits toxiques. La nouvelle stratégie doit s’appuyer sur des preuves scientifiques concernant tous les effets des substances chimiques sur la santé et l’environnement.
Faut-il rappeler, comme le souligne la feuille de route de la Commission présentant la stratégie chimique, que parmi les millions de tonnes de substances chimiques produites chaque année par l’industrie, 74% d’entre elles sont considérées comme dangereuses pour la santé ou l’environnement ? Un nombre croissant de ces substances, dont certaines très persistantes, se retrouvent dans le sang, les tissus humains et les écosystèmes. Nous sommes tous concernés. Comme le révélait l’étude de Santé publique France publiée en 2019, les bisphénols (A, F et S), les phtalates, les parabènes, les éthers de glycol, les retardateurs de flamme et les composés perfluorés, qui pour certains sont des perturbateurs endocriniens ou des cancérigènes, avérés ou suspectés sont présents dans l’organisme de l’ensemble des adultes et des enfants.
Des engagements forts, concrets, et surtout plus contraignants pour les acteurs de l’industrie et de la chimie tout au long de la chaîne d’approvisionnement sont indispensables. Nous avons besoin de vous et nous vous demandons de vous mobiliser une dernière fois avant la publication de la stratégie afin de faire entendre votre voix.