Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques omniprésentes dans la vie moderne et leur exposition est associée à des nombreux effets délétères sur la santé tels que des troubles de la reproduction, des troubles métaboliques et des cancers. Ces substances ont le potentiel d’interférer avec le système endocrinien, en imitant ou bloquant les récepteurs cibles aux hormones naturellement présentes dans l’organisme.
Selon la base de données TedX (The endocrine disruption exchange), plus de 1400 PE contamineraient l’environnement et la chaîne alimentaire notamment. Parmi les plus connus, on retrouve le chlorpyrifos et d’autres pesticides, le Bisphénol A et les Phtalates utilisés dans les matières plastiques et certains récipients alimentaires, le plomb et d’autres métaux lourds, ou encore les retardateurs de flamme permettant la protection des meubles et de matériaux divers.
Retrouvez nos fiches spécifiques sur certaines de ces substances
Rappelons que les PE présentent des caractéristiques particulières vis-à-vis de la santé et de l’environnement, qui rendent leur gestion particulièrement difficile.
Parmi elles figurent :
- leur résistance aux dégradations naturelles : les PE peuvent rester de très nombreuses années dans la nature, sans pour autant perdre en toxicité ;
- leur capacité à s’accumuler progressivement dans les écosystèmes et les tissus des organismes, ce qui engendre des « effets cocktails », potentiellement bien plus nocifs que l’addition d’effets individuels ;
- leur effet délétère à faibles doses et différents selon la période de vie à laquelle a lieu l’exposition ;
- leur effet transgénérationnel.
Si la communauté scientifique s’accorde à dire que ces substances représentent un risque grave pour la santé publique, elles restent encore largement méconnues par la population. Avant d’élaborer des stratégies efficaces de communication des risques, il est donc impératif de mesurer la connaissance exacte de la population sur les PE et d’identifier quels sont les facteurs qui influencent leur perception des risques. Dans ce sens, de nombreuses études ont par le passé cherché à examiner la sensibilisation et la perception des risques liés aux PE. Dans la majorité des cas, les connaissances se sont avérées minimes et la gravité perçue étaient associée à l’âge et au niveau de connaissance. Néanmoins, ces travaux portaient à chaque fois sur des groupes démographiques ou des thématiques spécifiques (exemple : femmes enceintes, effets sur l’infertilité masculine, etc.).
Pour mieux comprendre le point de vue de la population générale, une nouvelle étude menée en Irlande du Nord a voulu explorer les connaissances et la sensibilisation du grand public sur les PE. L’objectif de cette étude était de déterminer les facteurs qui influencent la perception des risques liés à ces substances. Pour cela, les chercheuses ont mis en place des groupes de discussions, constitués de 3 à 8 personnes, permettant de mener une étude descriptive qualitative.
Au final, la majorité des participants n’avait jamais entendu parler des PE auparavant. Ceux qui les connaissaient avaient soit appris leur existence lors de formation de type universitaire, souffraient personnellement de trouble endocrinien ou en avait entendu parler via les réseaux sociaux. Le manque de sensibilisation constaté dans cette étude indique qu’il est nécessaire d’informer davantage sur les PE en les incluant par exemple dans les systèmes d’éducation et de santé. En outre, l’utilisation des médias sociaux en tant qu’outil pourrait être utile pour accroître les connaissances, en particulier lorsque l’information est relayée par un organisme fiable et connu par le public, tels que des organisations gouvernementales.
Les participants étaient en revanche plus familier avec des composés spécifiques tels que le bisphénol A, du fait de leur mauvaise réputation ou avec les pesticides, pour ceux issus de milieux ruraux. La gravité perçue des risques associés à l’exposition aux PE varie fortement d’une personne à l’autre. Pour certains, les risques associés aux PE n’étaient pas aussi graves ou importants que d’autres types de risques, notamment le Brexit. L’une des raisons pouvant expliquer cela est que les médias ne parlent pas aussi fréquemment de ce sujet.
D’autre part, les effets des PE étant cumulatifs tout au long de la vie en raison d’une exposition chronique, certains ne les perçoivent pas comme une menace immédiate. A l’inverse, certains participants considéraient les PE comme représentant un risque grave pour leur propre santé et celles des générations futures. Cela s’inscrit dans la lignée des recherches européennes précédentes où les femmes étaient plus préoccupées par les effets des produits chimiques sur la santé que les hommes.
Enfin, les participants ont estimé que leur exposition était hors de leur contrôle en raison de l’omniprésence de ces substances qui sont devenues inévitables. Selon eux, leur contrôle revient aux autorités et au gouvernement; une croyance courante du public lorsqu’il s’agit de la perception des risques chimiques. Or, la perception du contrôle personnel est pourtant importante. Selon cette étude, les futures communications devraient s’attacher à mieux définir les mesures que le public peut prendre pour prévenir son exposition et ainsi augmenter le sentiment de contrôle personnel perçu.
Pour plus d’informations sur les perturbateurs endocriniens, consultez :
- Notre brochure dédiée : Perturbateurs endocriniens : s’informer pour se protéger
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L’article et la vidéo de vulgarisation du journal Le Monde : Les perturbateurs endocriniens, qu’est-ce que c’est ?
Source : Melissa Kelly, Lisa Connolly, Moira Dean. Public Awareness and Risk Perceptions of Endocrine Disrupting Chemicals: A Qualitative Study. Int. J. Environ. Res. Public Health 2020, 17, 7778