Les perturbateurs endocriniens (PE) sont connus pour induire des effets délétères sur le développement neurologique suite à une exposition prénatale ou lors du jeune âge. En effet, ces substances chimiques sont capables d’altérer certains processus biologiques essentiels au développement neurologique.
Comment agissent les perturbateurs endocriniens ?
Ces perturbations sont ensuite à l’origine de troubles pouvant aller de problèmes de comportements à des troubles du spectre de l’autisme. Selon une étude récente parue dans la revue Molecular and Cellular Endocrinology, il existe une forte hypothèse selon laquelle une diminution de l’exposition aux PE pourrait être bénéfique pour la société, en augmentant le capital intellectuel et en réduisant certains comportements négatifs. Néanmoins, aucune étude n’avait jusqu’à récemment documenté la manière dont la mise en place de règlementations sur les PE a affecté la santé et les coûts économiques associés.
Pour répondre à cette problématique, des chercheurs américains ont examiné la prévalence de retards mentaux et des coûts potentiels qui y sont associés entre 2001 et 2016. Plus particulièrement, ils ont ciblé l’exposition in utero à quatre PE majeurs :
- les PBDE (retardateurs de flamme);
- les organosphosphates (famille de pesticides)
- deux éléments traces métalliques et dérivés (le plomb et le méthylmercure).
Ces choix s’expliquent par l’existence de recherche approfondie sur la capacité de ces substances à causer des dommages au niveau du développement neurologique et à franchir la barrière placentaire.
Les résultats montrent que les PBDE représentaient la charge la plus élevée en termes de troubles du développement neurologique, suivi par le plomb et les organophosphates. L’exposition in utero au méthylmercure a eu l’effet le plus faible sur le QI, avec moins de 1% de la somme totale des points de QI perdus. De manière globale, les pertes de points de QI imputables aux substances considérées ont diminué durant la période d’étude, tout comme le coût associé aux déficiences mentales. Cela peut largement être attribué à la diminution des cas imputables à l’exposition aux PBDE et au plomb entre 2011 et 2016.
Cette analyse montre donc comment la régulation de l’exposition aux produits chimiques peut affecter la santé des enfants et des nouveau-nés.
De 2001 à 2016, l’exposition à ces substances chimiques a coûté plus de 6 000 milliards de dollars aux Etats-Unis, rien qu’en raison de la perte de points de QI. Ces résultats montrent que de meilleurs efforts de réglementation ont pu réduire l’exposition aux PBDE, au plomb et au méthylmercure, prévenant ainsi les troubles du développement neurologique.
Cette étude vient s’ajouter à des documents déjà publiés qui démontrent la contribution des substances chimiques présentes dans l’environnement à la morbidité infantile et aux coûts économiques qui en résultent. Bien que ces résultats démontrent l’intérêt d’une action réglementaire, notamment sur les PBDE, des éléments indiquent que la persistance et la bioaccumulation peuvent conduire à des expositions permanentes.
En effet, les efforts déployés pour éliminer les retardateurs de flamme à base de PBDE ont conduit à l’utilisation de substitutions regrettables, telles que les retardateurs de flamme organophosphorés. Or, des études sur des modèles de rats montrent leurs effets toxiques sur le développement neurologique du fœtus suite à une exposition in utero.
Concernant le plomb, malgré les efforts réalisés pour l’éliminer de l’essence et de la peinture – ce qui a permis de faire baisser les niveaux de plomb dans le sang – des mesures supplémentaires sont nécessaires pour réduire l’exposition. Même si la peinture au plomb n’est plus utilisée, la poussière que peuvent contenir les couches de peinture restantes présente un risque majeur d’inhalation et d’ingestion de plomb, en particulier chez les jeunes enfants. En l’absence d’un niveau sans effet nocif observé, il est crucial que l’ingestion de plomb de sources extérieures soit éliminée pour réduire la charge corporelle en plomb chez les enfants.
Il est aussi intéressant de noter que l’exposition aux organophosphates et la perte de QI attribuable ont augmenté depuis 2003. Les organophosphates sont toujours utilisés aux États-Unis, bien que l’utilisation ait diminué entre 2000 et 2012. Les niveaux d’exposition aux organophosphates dans la population considérée pour cette étude n’ont néanmoins pas reflété cette diminution. Le refus récent de la proposition de l’Agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency – EPA) d’interdire le chlorpyriphos, un insecticide neurotoxique organophosphoré largement utilisé en agriculture, suggère que les niveaux d’organophosphates continueront à augmenter dans la population américaine en raison de l’ingestion de cultures traitées au chlorpyriphos. Comme pour les PBDE, les mesures réglementaires visant à réduire les pesticides organophosphorés peuvent entraîner une utilisation accrue de produits chimiques de substitution possiblement plus nocifs, notamment les insecticides pyréthroïdes.
Notons également que la charge totale de la toxicité de ces substances sur le développement neurologique est probablement sous-estimée ici puisque seulement 4 substances ou familles des substances ont été prises en compte, ce qui ne reflète pas l’ensemble des expositions chimiques. Pour conclure, cette publication indique que des bénéfices importants pour la société apparaissent suite à la réduction de l’exposition des enfants aux produits chimiques toxiques. Cependant, une réglementation accrue oblige à utiliser des produits de substitution. Les recherches futures dans ce domaine devraient viser à examiner les effets de ces substitutions.
Source :
Abigail Gaylord, Gwendolyn Osborne, Akhgar Ghassabian, Julia Malits, Teresa Attina, Leonardo Trasande. Trends in neurodevelopmental disability burden due to early life chemical exposure in the USA from 2001 to 2016: A population-based disease burden and cost analysis. Molecular and Cellular Endocrinology, Volume 502, 2020, 110666, ISSN 0303-7207. https://doi.org/10.1016/j.mce.2019.110666.