Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les perturbateurs endocriniens (PE) comme « une substance ou un mélange de substances qui altère les fonctions du système endocrinien et, de ce fait, induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)- populations » (OMS – 2002).
- Les PE sont des substances chimiques étrangères à l’organisme. Ils sont présents partout dans notre quotidien et dans un grand nombre de produits de consommation courante (alimentation, cosmétiques, produits ménagers, textiles, ameublement, plastiques, jouets pour enfant, etc.). Ils peuvent aussi se trouver dans les produits de traitement des cultures et certains médicaments.
- Les PE altèrent le fonctionnement du système hormonal des êtres vivants. Ils peuvent avoir des effets néfastes sur la faune et porter atteinte à la biodiversité, ainsi que sur nos organismes et celui de nos descendants. L’exposition prolongée à une ou plusieurs de ces substances peut engendrer la survenue d’un certain nombre de pathologies, parmi lesquelles les cancers hormono-dépendants, les troubles de l’appareil reproducteur, les troubles de la fertilité, les cas de puberté précoce, l’obésité, le diabète, ainsi que les troubles cognitifs et comportementaux.
- La période fœtale, la petite enfance, ainsi que l’adolescence, sont des périodes particulièrement sensibles.
Modes d’action et particularités
Les PE sont donc capables d’interférer avec le système hormonal d’un organisme et venir dérégler son bon fonctionnement. Le système endocrinien régule de nombreux processus biologiques de notre corps : croissance, température, rythme cardiaque, taux de sucre dans le sang, déclenchement de la puberté, reproduction, etc. In utero, ce système est impliqué dans le bon contrôle de tout le processus de transformation et de croissance de l’embryon, puis du fœtus jusqu’à la naissance.
Ces substances présentent de nombreuses particularités qui ne sont pas encore totalement comprises. Elles peuvent par exemple induire des effets délétères à faible dose et des effets moins importants à des doses plus fortes. Cela rend totalement caduque l’idée sur laquelle est basée la plupart des principes de toxicologie classique, à savoir que la dose fait le poison.
Par ailleurs, les PE peuvent voir leurs effets varier selon la période de vie, que l’on nomme également fenêtre d’exposition. Enfin, notons que, du fait de cette complexité et de leur récente découverte (fin des années 80), une meilleure compréhension de ces composés et le développement de méthodes spécifiques sont nécessaires pour mieux comprendre leur mode d’action, et notamment l’effet cocktail et la synergie qui existent entre ces substances.
Dès 2009, l’Endocrine Society, composé de 18 000 scientifiques du monde entier, lançait un cri d’alerte sur la nécessité de réduire l’exposition aux produits chimiques, surtout avant et pendant la grossesse, et d’appliquer le principe de précaution. L’explosion des maladies chroniques observées au niveau mondial et leur relation avec l’exposition aux PE ont quant à elles été mises en évidence en 2012 par un rapport de l’OMS.
Les PE sont, à eux seuls, responsables de pathologies qui coûtent entre 150 et 206 milliards d’euros par an, soit entre 1,2% et 2% du PIB européen. Tel est le constat alarmant fait par une série d’études scientifiques publiées dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism de l’Endocrine society, publiées en 2015.
La France, un des rares pays européens à être doté d’une stratégie nationale de lutte contre les PE
La France fait figure de pionnière avec l’adoption de sa deuxième Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE2) définissant les objectifs stratégiques de la France en matière de lutte contre les PE pour la période 2019-2022.
En 2014, la France était le premier pays au monde à se doter d’une telle stratégie fixant « comme objectif premier la réduction de l’exposition de la population et de l’environnement aux perturbateurs endocriniens ». Cet objectif est réitéré dans la deuxième stratégie.
Néanmoins, cette seconde stratégie manque d’ambition et de mesures concrètes pour protéger immédiatement les populations, notamment les plus vulnérables.
Une absence de définition réglementaire commune
L’Union européenne n’est pas parvenue à s’accorder sur une définition générale et commune des PE.
Néanmoins, la Commission européenne a adopté en 2018 les critères permettant d’identifier une substance comme étant un PE, au titre des réglementations sur les produits phytopharmaceutiques et sur les produits biocides. Mais ces critères sont trop restrictifs car ils ne prennent en compte que deux catégories de PE : avérés et présumés. Ils excluent la troisième catégorie de PE suspectés. La France soutient la prise en compte des trois catégories et se positionne en faveur d’une définition commune des PE à tous les règlements sectoriels (cosmétiques, jouets, emballages alimentaires, etc.).
Par ailleurs, dans la définition pour identifier un danger, retenue par la Commission en 2018, il faut établir un lien de cause à effet entre l’action du PE et ses effets néfastes. Par leurs modes d’action complexes, il est très difficile d’établir avec certitude un lien de cause à effet, d’autant plus que les effets de l’exposition multifactorielle et les effets cocktail sont encore mal connus. Pour Générations Futures, la France doit aller au-delà de cette définition, agir même si le lien de causalité n’est pas mis en évidence en appliquant le principe de précaution. Elle doit interdire sans attendre les PE avérés, présumés et suspectés. Le choix doit se baser sur des critères de dangerosité et non sur une analyse du risque.