Obésité : contribution des facteurs génétiques et environnementaux

Le 4 mars a lieu la journée mondiale contre l’obésité, l’occasion pour nous de faire un point sur cette maladie multifactorielle et son lien avec les thématiques de santé environnementale

La prévalence de l’obésité et des comorbidités connexes a atteint, au cours des quatre dernières décennies, des proportions épidémiques dans de nombreuses populations (y compris dans les pays à faibles ou moyens revenus), devenant ainsi l’un des principaux problèmes de santé publique dans le monde. Pour illustrer la situation de manière chiffrée, près de 39 % de la population mondiale est en surpoids (IMC > 25) et le taux mondial d’obésité a triplé depuis 1975. A titre d’exemple, un pays comme les Etats-Unis compte près de 34% d’adultes obèses. (IMC > 30). En Europe, l’obésité est en augmentation dans presque tous les pays y compris en France, où l’Inserm estimait en 2019 que 17% des adultes souffraient d’obésité.

Fondamentalement, le surpoids et l’obésité se définissent comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle et résultent d’une consommation d’énergie, de manière chronique, supérieure aux dépenses énergétiques. Chacun de ces deux éléments dépend à la fois du génome d’un individu et de son environnement pendant le développement et la vie adulte. Cet état multifactoriel, qui entraîne le décès d’au moins 2,8 millions personnes chaque année, est un facteur de risque majeur pour un certain nombre de maladies chroniques, parmi lesquelles le diabète (44% des cas imputables au surpoids/obésité), les maladies cardio-vasculaires (23% des cas imputables) et le cancer (entre 7% et 41% des cas imputables au surpoids/obésité selon les localisations).

Facteurs génétiques

D’autres facteurs peuvent également intervenir dans la survenue de surpoids et d’obésité. Ainsi, il est maintenant parfaitement établi que les gènes contribuent aux différences de poids corporel au sein d’une population donnée. L’obésité polygénique est la forme la plus courante dans les sociétés modernes où l’environnement favorise la prise de poids en raison de l’abondance de la nourriture et du manque d’activité physique.

Avec les progrès de la technologie et l’achèvement du projet sur le génome humain, nos connaissances sur la base génétique de l’obésité ont considérablement augmenté ces dernières années. Plusieurs études ont identifié plus de 100 locus (localisation d’un gène sur un chromosome) associés à l’IMC en comparant un échantillon composé d’individus de poids normal et d’individus obèses.

Néanmoins, il est encore difficile d’expliquer la propagation rapide de l’obésité dans le monde en se basant uniquement sur notre bagage génétique. Il est essentiel de comprendre comment les gènes influencent les mécanismes de l’homéostasie énergétique, provoquant une variation du poids corporel dans un environnement donné. Par ailleurs, les gènes ont rarement le pouvoir de déterminer par eux-mêmes l’anatomie, la physiologie ou le comportement d’un individu. C’est l’interaction entre les gènes et l’environnement à tous les stades du cycle de vie, qui peut influencer et activer la prise de poids.

Facteurs environnementaux

De nombreux facteurs environnementaux peuvent influencer la survenue du surpoids. Ces facteurs comprennent les agents physiques, chimiques, biologiques, les conditions sociales, la sédentarité, etc. Parmi eux, l’exposition chronique aux produits chimiques ambiants semble pouvoir modifier le métabolisme du corps et ainsi affecter l’équilibre énergétique. En effet, un nombre croissant de preuves scientifiques issues d’études animales et épidémiologiques ont commencé à établir des liens entre l’exposition aux polluants chimiques et l’obésité.

Plus précisément, on parle d’obésogènes environnementaux, terme qui regroupe les substances capables de modifier l’homéostasie des lipides pour favoriser l’adipogenèse et l’accumulation des lipides. En outre, de nombreux obésogènes sont des perturbateurs endocriniens (PE), c’est-à-dire des substances chimiques synthétiques qui interfèrent avec la fonction endocrinienne et entraînent ainsi des effets néfastes sur la santé, le métabolisme, le développement et le maintien du tissu adipeux, l’appétit, le poids ou encore l’équilibre énergétique.

Les PE sont omniprésents dans notre environnement quotidien puisqu’ils sont utilisés dans une variété extrêmement large de produits de consommation allant des emballages alimentaires aux pesticides, en passant par les produits cosmétiques ou les plastiques.

Or, il a été démontré que l’exposition aux PE au cours des premières années de développement de la vie augmente le risque de survenue de diverses maladies chroniques, dont l’obésité. Les PE peuvent provoquer une prise de poids en modifiant le métabolisme des lipides pour favoriser l’adipogenèse et l’accumulation des lipides. Deux mécanismes ont notamment été identifiés, à savoir :

  • L’augmentation du nombre et de la taille des adipocytes et du stockage des graisses par cellule ;
  • La modification des voies endocriniennes responsables du contrôle du développement du tissu adipeux, des hormones qui régulent l’appétit, la satiété et les préférences alimentaires, du taux métabolique de base, de l’équilibre énergétique pour favoriser le stockage des calories et la sensibilité à l’insuline et du métabolisme des lipides dans les tissus endocriniens tels que le pancréas, le tissu adipeux, le foie, le tube digestif, le cerveau et les muscles.

Par ailleurs, durant les premiers stades de développement, même de faibles doses de PE peuvent induire une prédisposition, car les mécanismes de protection qui existent chez un adulte, tels que la capacité de réparer l’ADN, un système immunitaire compétent, des enzymes de détoxification, le métabolisme du foie, la barrière hémato-encéphalique et un taux métabolique normal, peuvent ne pas encore être développés.

Ce qu’il faut retenir

Les études récentes tendent à refléter le fait que l’obésité ne se résume pas à un simple déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques. Il est clair que la génétique et les facteurs liés au mode de vie jouent un rôle fondamental dans le développement de l’obésité. Les études d’héritabilité indiquent une forte composante génétique, néanmoins jusqu’à présent, seule une petite partie de cette composante a été élucidée.

D’autre part, les sociétés occidentales encouragent le développement de l’obésité en proposant des régimes alimentaires hautement caloriques et des comportements sédentaires, même si l’on constate également une prise de conscience croissante de l’importance d’un mode de vie saine.

Les causes sous-jacentes de l’obésité sont complexes et impliquent des interactions entre des facteurs génétiques, métaboliques, comportementaux, culturels et environnementaux. Malgré l’importance des obésogènes environnementaux dans la pathogenèse des maladies métaboliques, la contribution de l’exposition aux produits chimiques de synthèse à l’épidémie d’obésité reste largement méconnue, la recherche axée sur la compréhension des effets des obésogènes environnementaux dans les épidémies d’obésité étant aujourd’hui à un stade embryonnaire.

 

Sources :

David Albuquerque, Clévio Nóbrega, Licínio Manco, Cristina Padez. The contribution of genetics and environment to obesity. British Medical Bulletin, Volume 123, Issue 1, September 2017, Pages 159–173. DOI : https://doi.org/10.1093/bmb/ldx022

Inserm. Obésité. [en ligne] disponible sur : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/obesite. Consulté le 03/03/2021.

OMS. Obésité. [en ligne] disponible sur : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/obesity-and-overweight. Consulté le 03/03/2021.

Radhika Gupta, Prashant Kumar, Nighat Fahmi, Bhaskar Garg, Sriparna Dutta, Shilpee Sachar, Avtar S. Matharu, Karani S. Vimaleswaran. Endocrine disruption and obesity: A current review on environmental obesogens. Current Research in Green and Sustainable Chemistry, Volume 3, 2020, 100009, ISSN 2666-0865. DOI : https://doi.org/10.1016/j.crgsc.2020.06.002.

Stylianos Nicolaidis. Environment and obesity. Metabolism Clinical and Experimental 100S (2019) 153942. DOI : https://doi.org/10.1016/j.metabol.2019.07.006